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Version actuelle en date du 1 décembre 2011 à 13:44
Alors, mue par une incroyable hardiesse, en une stupéfiante sécurité, elle dit; tremblante de colère attendrie :
« — Pourquoi ne m'aimes-tu pas? »
Aubert tremblait aussi, mais tel que sous la domination d'un animal fascinateur. Ce frêle serpent aux yeux d'anémone l'attirait sûrement dans l'orbe de ses replis : d'insensibles mouvements l'avaient rapproché de Sarah, au point qu'il sentait la caresse de ses cheveux traîtres et la tiédeur des souffles évaporés de son corsage... Leurs bouches se joignirent : Sarah mordait, — car elle était de ces femmes qui ne sentent la chair que sous la dent, — la nacre de ses dents mordait...
Et parmi les prochains désirs, voici le sexe à la porte...
Maîtresse d'elle-même, Sarah se roidit comme un rêve, illusoire et hautaine :
« — Aubert; je me donne à toi, et n'oublie pas que tu m'appartiens. Je pars, c'est fini pour cette année. Je pars, mais, écoute-moi, je reviendrai. »
Les sables, au loin déserts, perpétuaient leurs tièdes solitudes.
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Dormir, presque dormir à l'ombre claire des dunes : nulle robe ne claquait au vent. Au milieu des
varechs noirs, un rêve gisait, un rêve blanc comme la mort d'une mouette.
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Les mouettes jouent et ne jouent plus. Les paquebots voltent, les fumées virevoltent, les briques tremblotent. Les ponts se dressent comme des potences : les mouettes jouent et ne jouent plus, les mouettes d'Amsterdam, — sur le Dam.
Là-bas, dans les sables déserts, nulle robe ne claque au vent.
Les cygnons prennent d'assaut la galère, leur mère. Les pignons tremblotent, les feuilles virevoltent