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Version actuelle en date du 3 juin 2012 à 11:46
On assiste à ce combat nouveau : des Jeunes Hommes s'estafiladant à coups de plume.
Il s'agit des Poëtes, — est-il besoin de le dire ?
Voilà qu'ils ne peuvent se rencontrer sans tricoter de regards méchants l'espace qui les sépare. Échangent-ils un mot, c'est une balle que ce mot.
De chaque forteresse de papier — ô les fraternelles revues d'antan ! ― s'épivardent sur les camps rivaux des obus de crachats.
La poignée-de-mains, cette double fleur, ne s'épanouit plus au Jardin de la Beauté.
Une telle misère ne peut durer, vraiment !
Je demande la Trêve.
Le philosophe de la Morale Égoïste et le père de la Lutte-pour-la-vie, Hobbes, déclare que l'homme est un loup pour l'homme : homo lupus homini.
Ce désolant apophthegme, nos Jeunes Poëtes semblent en revendiquer le monopole. Alors que tout tend à la caresse, par ces jours de Frégates Sympathiques, seuls ils sont en querelle : vates vati lupus. Je ne sache pas un bagne où l'on se haïsse davantage que parmi la Jeune Littérature.
Lisez ses organes, entrez dans ses chapelles, dégringolez dans ses sous-sols; vous serez édifiés.
On s'y blasphème avec délices.
Allez! nul n'est épargné dans la distribution.