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Et Psykhé les suit du regard en méditant :
« Oh ! qui donc en l'aridité de mon chagrin
A déposé l'ardente goutte de levain
Dont mon flanc se gonfle et tressaille en cet instant ?
L'essor bleu des rêves s'essaime
Dans les matins, si diaphanes que l'aurore
De ses nacres les plus ténues les colore,
Si subtils que « vivent-ils même ? »
Et Psykhé se demande, les voyant si beaux,
Quel souffle d'amour a passé sur les tombeaux
De ses espoirs et par quels mystères
Ses ruines ont fleuri tant de pariétaires.
La veuve qui pourtant cache en ses voiles noirs
La tristesse des illusoires espoirs,
— À voir ses beaux enfants, les Rêves, si sûrs
De la vie et de la joie, et si heureux
Des fleurs qui fleuriront sans doute pour eux, —
Se reprend à désirer des futurs.
Tu perds ton temps... Bah ! Hardi, mon fils !
Pétris l'argile inconnue et tendre.
Des pleurs versés sur le Crucifix,
— Pauvre pécheur ! — humecte la cendre
Des rêves fous et bons que tu fis.
Hardi, mon fils !
Hélas ! avant que la blanche frise
Aille redire au soleil levant
La belle histoire autrefois apprise,
Les pleurs séchés et la poudre grise
Des espoirs morts s'en iront au vent...
Tu perds ton temps.
Louis Denise