Page:Mercure de France tome 003 1891 page 264.jpg
A Alaistar Cary Elwes.
Dans la salle verte et banale aux ornements trop dorés, * où les rideaux blancs courent sur les vitres.
Ils sont au milieu, dans leurs costumes chamarrés de brandebourgs, * l'air prétentieux, sottement semblables à des pitres.
Ils sont là, ces fils du pays hongrois, avec le violon qu'on mit dans leurs mains d'enfant avant de leur apprendre à parler, * musiciens d'instinct et sans pupitres.
Dans le café vulgaire où Paris, le soir, s'arrête un moment, * où jamais le rêve du poète n'a pris son essor.
Et voici avec eux la musique troublante de la pousta (1) : * « Cserebogar, ô petit scarabée, ô sargà csercbogar , petit scarabée en or. »
Sur les tables de marbre uni, dans les verres où se côtoient des liquides de toute couleur, * l'électricité fait éclater brutalement sa lumière crue.
Dehors, sur le trottoir, vers ses turpitudes et ses plaisirs, * la foule indifférente se rue.
Et voici le prélude des rêveries bizarres au rhythme déconcertant: * l'archet qui déjà frémit sur la corde émue.
Que va donc chanter l'instrument aux sons mièvres et tendus, * celui qui berce l'amour et raille la mort ?