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Bonne-Amie entra et tendit à Marcel, qu'elle aimait parce qu'il avait un prénom à la mode et qu'il écrivait dans les journaux, une rose.
— « Elles sont introuvables par le temps froid qui court, tu sais, lui dit-elle. Devine combien elle me coûte? »
— « Les yeux de la tête », dit Marcel.
Il emplit d'eau le plus ventru de ses pots bleus, pour y mettre la rose.
— « Ne l'abîme pas, dit Bonne-Amie. Le fleuriste affirme qu'elle peut s'ouvrir dans une chambre bien chauffée. »
— « Justement : voilà un bon feu, attendons », dit Marcel.
— « Et toi, quel plaisir veux-tu me faire ?» demanda Bonne-Amie.
Elle s'était assise et, les pieds à la flamme, elle ajouta :
— « Je ne tiens pas aux cadeaux. Un rien me suffit, une attention délicate qui touche une femme plus que l'offre d'un empire ou de grosses richesses. Je ne sais quoi. Arrange-toi. Trouve quelque chose. Il me semble qu'à ta place je ne serais pas embarrassée. J'ai été gentille. Sois mignon. »
— « J'ai ton affaire », dit Marcel.
Sans hésiter, il prit le manuscrit en train, et, remuant la jambe, se tapotant la joue avec une règle, se mit à lire, à haute voix, le chapitre fameux