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point incompatibles avec le renom de poète. C'est même, chez eux, à propos de la vestiture élégante, une émulation louable. Ils lancent des modes ; ils ont une opinion personnelle sur les coupes, les bordures à plat, les pattes-mouille, et ceux qui ne veulent point s'amputer de leur chevelure en avivent la soie d'huiles odorantes, et font ainsi s'épanouir, où ils siègent, un merveilleux printemps.
Entre deux sonnets s'échangent des discussions de couture. Le chevalier du Plessys préconise le collant, à quoi, d'ailleurs, le voue sa sveltesse délicate. Il n'a cure des objections d'autres qui, comme Cazals, séduits par les redingotes à jupe, les gilets à basques et les pantatalons de houzards, le combattent éperduement aux cris de « Vive l'Ampleur », et il continue l'exhibition de maillots cerise et de justaucorps succulents où chante toute la gamme des rouges anémiés, des bleus attendris, des jaunes qui s'exaltent.
Il scandalise ainsi, d'un carnaval pérennel, les cénacles inémus pourtant des manteaux espagnols de Laurent Tailhade, des complets chiliens de Jean Moréas et des gilets empiastrés de M. Dujardin.
S'il osait, il assumerait la perruque et l'épée de Lauzun. Il dit quelque part :
Peut-être que voilà des Temps, je fus Mozart,
Je me sens des velours de Maître de Chapelle,
Et, bien que mon gilet ait quitté ses dentelles,
J'ai le mépris de tels jabots ruchés sans art ;
Sans doute que voilà des Temps, ma tabatière
S'adornait de que d'ors en bosse relevés,
Et mon doigt simple où sommeillaient de calmes pierres,
Il fut le pur dépositaire des Avés !
Il donne l'illusion d'un contemporain de M. de Bernis attardé parmi notre civilisation d'ingénieurs. Un calculateur le fait sourire, et il s'étonne de n'être point pensionné de quelque cassette royale. Riche, son unique soin serait d'une dentelle, à tuyauter, d'une nuance d'habit à faire valoir, d'un salmis à épicer, et de quel cru constituer le bouquet définitif de son menu. Pour l'heure, n'ayant point d'écus à dépenser dans les hostelleries, il s'en tient à aviser ses amis d'inédites recettes culinaires et à les mettre en garde contre les rôtisseurs dont les devantures témoignent de poulardes inconsidérément rôties ou gratifiées de truffes sans l'entier discernement désirable.