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syllabe. Encore n'est-ce pas l'accent pur, mais la césure (2). Or, voilà que les poètes contemporains, sous prétexte de liberté, négligent même ce vestige de scansion ; et l'on lit maintenant des vers comme ceux-ci, auxquels je ne reproche rien comme fond, mais tout comme forme :
« Et Psykhé, la bonne veuve qui sait pourtant
La stérilité des illusoires espoirs,
Du promontoire, en l'envol de ses voiles noirs,
Les encourage d'un geste à peine hésitant » (3)
« Mais nous avons hâte d'éclairer cette rue » (4)
On affectionne des désordres métriques tels que :
Dont s'alarmait son amour,
La princesse à l'âme taciturne
Préluda sur le luth d'amour.
« Dans le fouillis des folles étoffes
Ses doigts aux bagues d'argent
Émurent de somnolentes strophes
Sur les cordes d'or et d'argent. » (5)
Comparez à cela ces vers des mêmes poètes, où l'accent tonique est disposé régulièrement :
Pris d'un doux mal d'amour pour sa dame la lune
Qui le leurre au plus loin de la lande et la dune » (6)
« La Veuve qui pourtant cache en ses voiles noirs » (7)
« Et de vous révéler encore à nos esprits
Et d'élever encore à l'univers surpris. » (8)
Comparez surtout aux vers de neuf cités les vers de neuf suivants, où l'accent tonique tombe de trois en trois (anapestes) :
Nous versants l'or du sang des muscats,
Dans la bonne fraîcheur des tonnelles,
Dans la bonne senteur des moissons,
Dans le soir où languissent les sons
Des violons et des ritournelles. » (9)
Dans cette strophe, il y a pourtant un vers qui détonne,