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- L'allée est droite, obscure et pleine de pervenches.
- Dans le corsage étroit d'une robe à longs plis,
- Et les deux bras chargés des lys qu'elle a cueillis,
- La svelte et pure Elaine apparaît dans les branches.
- Un essaim de ramiers rôde autour de ses hanches,
- Blanc essor attiré par la blancheur des lys;
- Au loin, sur l'or rosé d'un ciel aux tons pâlis,
- Le manoir d'Astolat et ses tourelles blanches.
- Elaine, aux yeux d'aurore, au rire humide et frais,
- A sa place marquée aux jardins des cyprès;
- Elaine avec les lys sera morte à l'automne.
- Elaine est destinée aux éternels regrets,
- Et, présageant l'ennui d'une fin monotone,
- Pâle et froide à ses pieds, fleurit une anémone.
- Dans l'implacable orgueil d'un royal adultère,
- Genèvre, l'œil aride et les seins empourprés,
- Le long de la terrasse aux parapets dorés
- Promène son ennui hautain et solitaire.
- Elle songe a l'abîme où, degrés par degrés,
- Morne elle est descendue, au clos du monastère
- Où mûrira sa faute, et les fleurs du parterre
- Font pleuvoir sous ses doigts leurs boutons massacrés.
- Elle songe à sa gloire au milieu des huées
- S'écroulant, aux pudeurs de son lit remuées,
- A sa honte en pâture offerte aux courtisans;
- Elle songe à ses yeux, autrefois méprisants,
- Et sur sa robe étroite, où pas un pli ne bouge,
- Sinistre et douloureux saigne un large iris rouge.
Jean Lorrain.
(D'après les Idylles du Roi, de Tennyson).