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de secret, le Crucifié de l'Ineffable Mensonge qui donna aux hommes l'illusion consolante d'adorer un dieu, ceux-là et tous leurs frères, douloureux ou triomphateurs. Mais la plus belle de toutes les légendes — je ne serais pas surpris que ce fût un chef d'œuvre — La Lyre, en rappelant la mort de Néanthès et de Marsyas, présage le sort de quiconque, religieux ou profane, toucha les cordes sacrées, et la nénie qui pleure l'antique rhapsode résonne souverainement: « Marsyas est mort au crépuscule... Marsyas, aïeul de ceux qui chantent, aïeul de ceux qui souffrent, et de ceux-la qui pardonnent, chèvrepied heureux qui renonça l'amour. »
Marsyas! je veux écarter l'image mélancolique. Ne se peut-il aussi que mon espoir — l'espoir de quelqu'un qui admire fraternellement une belle œuvre — ne se soit point trompé et que, pour une fois, la guerrière apparue, l'amazone pensive et farouche, dompte glorieusement les monstres ameutés?
Pierre Quillard.
(I) Le Miroir des Légendes, I Vol. Chez Lemerre.