Ballade pour assainir la Chose littéraire. Ballade touchant la Vanité des Jugements humains. Ballade pour exalter les Doyennes du Persil

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Laurent Tailhade, « Ballade pour assainir la Chose littéraire. Ballade touchant la Vanité des Jugements humains. Ballade pour exalter les Doyennes du Persil », Mercure de France, t. VI, n° 33, septembre 1892, p. 38-41.


BALLADE

POUR ASSAINIR LA CHOSE LITTÉRAIRE.

« Le sang, la bile, toutes les humeurs
« qui s'écoulent des reins et de la peau,
« sont constamment empoisonnés ; la
« santé, la vie même sans cesse menacée
« par la production ininterrompue de ces
« venins humains, tout aussi redoutables
« que ceux des reptiles les plus dangereux. »
(Almanach du Rural pour l'an 1890.)



Odeur de pieds, senteur de bouches,
Et ridicule énormément,
C'est Péladan-Tueur-de-Mouches.
Pour l'escadre et le régiment,
Pierre Loti, ce diamant,
Quitte Nana, voire Isabelle.
Ces pasquins manquent d'agrément :
Nous les mettrons dans la poubelle.

Pas de phrases, ni de retouches !
Valabrègue prêta serment
D'égayer les femmes en couches.
Pompon gai comme un lavement,
Dubrujeaud couillon alarmant,
Et Poitrasson que ne rebelle
Oncques nazarde au fondement :
Nous les mettrons dans la poubelle.

Oh ! les chasser, telles des mouches
A viande ! Sus, bon Nécromant !
Icelui transforme en babouches,
L'un en porc et l'autre en caimand !
Ils sont le plus bel ornement
Du Gil Blas ! mais, sous cette ombelle,
Cueille-les rigoureusement :
Nous les mettrons dans la poubelle.

envoi

Prince, un dieu les garde. Comment
Les trucider par ribambelle ?
N'ayant plus l'essorillement,
Nous les mettrons dans la poubelle.

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BALLADE

TOUCHANT LA VANITÉ DES JUGEMENTS HUMAINS

Pour Alcide Guérin.

« 17. — Cor fatui quasi vas
« contractum et omnem sapientiam
non tenebit. »

(Ecclesiasticus, cap. XXI.)


 Quand Péladan, coiffé de vermicelle,
Hâble, chacun soudain le reconnaît
Au bouc puant qu'il garde sous l'aisselle.
Homme-sandwich, prophète, cochonnet,
Le pou teigneux occupe son bonnet.
Mais lui, le Sâr, le devin, l'androgyne,
Se voit égal aux bas-reliefs d'Egine.
Pour sa tignasse il bave de fureur.
C'est dans Ashur qu'il prend son origine :
Le pauvre monde est sujet à l'erreur.

[...................] qui de caca ruisselle
Dans le train belliqueux du Vésinet,
[..........] croit que se tenir en selle,
C'est, chaque soir, aller au cabinet.
O quel parfum de crotte l'embrenait,
Cet [........] ventru comme aubergine
Lorsqu'à grands coups de botte dans l'échine
Mon Prospéro lui servait d'éclaireur !
Paul Bonnetain réinvente la Chine :
Le pauvre monde est sujet à l'erreur.

A Besançon, à Limoge, à Bruxelle,
Chaque printemps, un musagète naît.
Garnir voulant sa bourgeoise vaisselle,
Jean Rameau, plus cher au Mufle qu'Ohnet,
Porte en ville ode, acrostiche ou sonnet.
[.....................] d'une éternelle angine
Syphilitique adorne sa machine.
Vicaire, dont le groin fait horreur,
A Charenton ses brocards imagine.
Le pauvre monde est sujet à l'erreur.

ENVOI


Princesse aux yeux illécébrants, Argine,
Défunt Baju se cuidait un Eschine,
Et Barrés dit : « Quand serai-je empereur ? »
Jean Moréas ne veut pas qu'on le chine :
Le pauvre monde est sujet à l'erreur.

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BALLADE

POUR EXALTER LES DOYENNES DU PERSIL

A Paul Roquère.

« Viennent les marguiliers pervers,
« Les bedeaux porteurs de cautères,
« Les gros messieurs comblés d'hivers !
« Je couronnerai d'œnothères,
« De lilas et de myrtes verts,
« Toute la Chambre des notaires. »

 Dom Junipérien.

Leurs mamelles où nos bisaïeux se sont plus
Ballottent, à présent, de manière fantasque.
Le henné rouge sur leurs crânes vermoulus,
Leurs crânes pareils à des ris de veau boullus,
Imprime tels magmas qu'on ne rincera plus.
Leurs museaux d'ichneumon, de pieuvre, de tarasque,
Bâillent : ainsi les trous punais de l'Achéron.
Voici les dents d'émail sur le chicot marron !
Et les robes couleur d'enfants, rose ou citron.
Car ces dames, ayant braguettes soulagées,
De fastueux chichis pavoisent leur giron :
Los aux vieilles putains d'ans et d'honneur chargées !


En faveur des meschins pauvres et résolus,
Leur générosité vénérienne casque,
Eprise de vos politesses, ô phallus !
Ignorant, comme il sied, Malte-Brun et Reclus,
Poètes, calicots, affrontent ces palus
Nauséabonds, malgré les huiles bergamasques.
(Est-il bardeau, mulet, viédaze, aliboron,
Pour oser en tel lieu risquer un paturon ?)
Elles défaillent, avec les cris de Baron,
Au seul aspect des génitoires insurgées,
Et monsieur Deschanel à les servir est pron (1)  :
Los aux vieilles putains d'ans et d'honneur chargées !


Clamons : « Io Paean ! » — En des bouquins peu lus,
[.................... ], la [........... ] qui semble un masque
Japonais, et la mère [........ ] aux bras velus,
Des petits jeunes gens quémandent les saluts,
— O, sous vos cheveux bruns, Lafayette et Caylus ! —
Sans parvenir jamais à la dernière frasque.
Cœur de babouin, nez de chouant, œil de vairon,
Quels appétits encor hantent leur vieux chaudron,
Cependant qu'Ajalbert, impétueux luron,
Opine sur l'amour en passant les dragées
Et que Loti préside à ce décaméron ?
Los aux vieilles putains d'ans et d'honneur chargées !


ENVOI


L'arbre caduc, jetez les rameaux et le tronc !
Prince, beau tourmenteur, Ezzelin ou Néron,
Coiffe ton casque d'or, atteste le héron
Et que, grands-mères par tes ordres fustigées,
Elles paient l'obole exécrable à Charon :
Los aux vieilles putains d'ans et d'honneur chargées !
 Laurent Tailhade.




(1) Pronus, bien entendu. — L. T.


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