Incomparable effroi, l'effroi

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Tola Dorian, « Incroyable effroi, l'effroi », Mercure de France, t. II, n° 17, mai 1891, p. 269.


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Incomparable effroi, l'effroi bref du Réveil !
L'instant qui nous arrache aux Semblances heureuses
De la couche sans mémoire, ô Mort que tu creuses.
Ouatée et grise au fond du Silence éternel !




Frisson rompant les nerfs, rêche frisson de l'âme
Glissante et s'agrippante aux franges de l'Oubli
Où se redissolvait... si doucement !... sa trame
Moite d'un lourd relent de fruit blet amolli !




Ah, ce premier regard du jour qui souffre à naître !
Si pallide, si débile !... plus sépulcral
Qu'un cierge verdissant le rigide Peut-être
Du Dormeur dont l'œil clos s'ouvre au Possible astral !




Ah, rouler aux brumes blêmes, aux défaillances
Charnelles !.. ah, jamais s'éveiller !.. Plus gravir
Plus Etre !.. rien vouloir !.. rien.. pas même ravir
Vers un féroce azur ses fugaces Croyances !




Ne plus voir sur les mers virer le Boulet d'or,
Ne plus sentir la froide rosée aurorale
Leurrant l'horrible soif qui ne meurt pas... encor
Glacer mon cœur forçat de chaque Aube spectrale !!

Tola Dorian

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