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et du mariage
Tu as quinze ans, mon cher enfant : il est temps d'initier ton esprit à de certaines préoccupations, qui le tracasseraient et le tourmenteraient inutilement s'il était laissé seul à ses inquiétantes expériences (1).......................................
Posséder de ci, de là, à l'aventure, souvent pour une nuit, pour une heure, parfois pour de plus sérieux laps, avec des accès de volupté, des dégoûts, des surprises, des lassitudes, des points d'honneur, des gourmandises, des souffrances ; rencontrer des chairs diverses, où tu t'attarderas plus ou moins, et d'où résulteront diverses sensations, voire - mais n'y compte pas - l'amour : tel est ton avenir passionnel. Et tu n'y failliras pas, en homme sain et en bon citoyen.
Or, une naïveté lamentable noie sans doute l'univers enfantin de tes idées. Les rapports des deux sexes, tels qu'ils sont organisés par la société, t'apparaissent diamétralement contraires à ceux que semble indiquer la nature. Le mariage - terme obscur du plus éclatant des instincts - reste à tes regards inquisiteurs enveloppé d'un nimbe mystérieux d'institution louche et incompréhensible.