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quent du don de pondération sans lequel il est
impossible d'atteindre à l'eurythmie. Je ne voudrais
point ressasser la vieille discussion des milieux,
mais il est certain que la description des choses parmi quoi se meut un être, et strictement
circonscrite aux rapports de l'être à ces choses,
loin de nuire, comme une superfétation, à l'économie
de l'œuvre, la complète — et souvent résout très brièvement des phénomènes psychiques qui demanderaient un long détail, plus fastidieux
encore qu'une description « à coté ».
Parmi les scories dont M. Edouard Rod dit avoir
cherché à dégager le roman, il y a aussi « les récits
rétrospectifs, qui, destinés à présenter le personnage,
sont devenus, à force d'usage, des clichés sur l'enfance, l'adolescence et l'éducation », ― et
enfin les « scènes », pour ce qu'elles ont presque
toujours « un air désagréablement artificiel et
théâtral ». Ce serait là, sans doute, une bonne besogne ;
mais qui donc, sinon les écrivains maladroits
(ou très jeunes et ne tenant pas encore leur métier),
s'escrime encore aux récits rétrospectifs ? Et les « scènes », Flaubert n'en a guère, que je
sache, dans l'Éducation sentimentale, l'œuvre entier
de MM. de Goncourt presque pas, et M. Huysmans
nulle part.
Il semble donc que le mot intuitivisme n'étiquette
rien de bien neuf, ni relativement aux tendances
actuelles des esprits, ni en ce qui concerne les moyens d'exprimer. Il est équitable de noter
que M. Édouard Rod n'a pas écrit sa préface exclusivement
pour lancer ce mot, mais pour expliquer
à ses « amis connus et inconnus » l'évolution de ses idées, simultanée, sinon parallèle, à
une évolution des idées chez tous ceux de sa génération
littéraire. Et là réside un fait important,
car il est avéré que, après s'être un moment arrê-