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tés au Naturalisme, la presque totalité des jeunes
littérateurs évoluent aujourd'hui — sans d'ailleurs
trop savoir où ils vont. Ce n'est pas ici le lieu
d'étudier les très nombreuses tendances nouvelles,
mais cette constatation me paraît topique que le
cycle naturaliste, prétendu si peu vaste pourtant,
restera incomplet, et que même infiniment peu
des sujets qu'il renferme auront trouvé leur juste expression.
En effet, dans l'échelle idéale qui part de la matière
inerte, passe par les végétaux, les animaux
et l'homme pour aboutir à Dieu, l'homme occupe
un nombre considérable de degrés, pas beaucoup plus qu'animal en certains cas par le peu de
développement de son cerveau, mais aussi tout près
de Dieu parfois eu égard à l'étendue de son intelligence.
Or, si le réalisme est bien l'expression immédiate de toute la vérité acquise, le cycle
réaliste demeure incomplet en ce que non seulement
on n'y rencontre point toutes les combinaisons
connues d'individus, mais pas même tous les
types d'individus.
Quant à l'expression réaliste, elle doit de toute
nécessité, pour être juste, combiner l'observation,
l'expérience et l'induction certaine, être en un mot
la cristallisation selon les lois naturelles de la vérité
tangible ; et, à ce point de vue, concevoir l'individu en dehors de son milieu serait un non
sens. Le Naturalisme l'a bien posé en principe,
mais, dans la pratique, au lieu de se borner à la
seule peinture, et selon les lois, des choses qui
agissent sur l'être, il a peint toutes les choses
parmi lesquelles l'être vit, les indispensables et
les inutiles, sans discernement des valeurs. D'où
le milieu, développé monstrueusement aux dépens
de l'individu, puis la disparition dans le pêle-mêle
des liens de l'individu an milieu : l'observation