Page:Mercure de France tome 001 1890 page 109.jpg
De MercureWiki.
— Par vos soupirs d'amour, par vos larmes d'extase,
Par la langueur d'aveu d'une adorable phrase,
Vous m'avez réveillé d'un rêve, où vous glissez :
Vous saurez désormais que je vis dans un rôle,
Qu'une âme tendre dort sous mon masque de drôle,
Et que je suis un homme, au fond !... C'est bien assez.
Plus tendre qu'un vieil air dans de lourdes étoffes,
Plus démesurément vibrant que mon orgueil,
Plus haut que la rumeur des flots blancs sur l’écueil,
Plus haut que le futur fracas des catastrophes,
Ton nom divinisé survivra dans mes strophes,
Madone aux regards noirs comme une église en deuil,
Quand ton âme et ton corps seront, dans LEUR cercueil,
Aussi morts que les dieux bien morts des philosophes.
— Glas funèbre, tinté par de joyeux grelots,
Mon affreux rire a pu s'égrener en sanglots,
Et mes sanglots, crever en larmes de délices !
Reçois donc, pour ce court bonheur immérité,
Le salaire ingénu de tes chères malices :
L'éternité du Vers, - la seule Éternité.
Louis-Pilate de Brinn'gaubast