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Souvent, la nuit, lorsque éveillé par les premiers aquilons d'octobre heurtant les jalousies, lord Lyonnel considérait sa maîtresse endormie, il lui arrivait de se demander obscurément s'il avait bien le droit de se prêter à l'œuvre, au moins étrange, qu'essayait Edison ; — s'il n'était pas, lui, lord Lyonnel, coupable d'une duplicité tacite ; — et, chose encore plus grave, si, en définitive, ce n'était pas, oui, si ce n'était pas tenter Dieu.
Un fait singulier (une de ces mille coïncidences, sans doute fortuites, mais qui, — chose, à la longue, digne d'attention, — se produisent toujours d'une manière quelconque autour de ceux dont l'esprit est en proie à cette sorte d'inquiétude occulte), — un fait des plus saisissants s'accomplit une nuit, où il avait exprimé pour la première fois cette pensée à voix basse et se parlant à lui-même. Il l'avait formulée en paroles précises, espérant que cette précision même dissiperait le vague et le trop lourd d'une conjecture de cet ordre.
Comme elle persistait, sa conscience lui suggéra l'idée d'en écrire sur-le-champ à Edison (Il voulait suspendre l'exécution de l'œuvre terrible). Il ne pouvait supporter de s'endormir avec cette obsession. S'étant donc levé, il passa une robe de chambre, s'approcha de son secrétaire,