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Et bien souvent mon âme lasse et taciturne,
Que frôle incessamment un vol d'oiseau nocturne,
S'est penchée inquiète sur les bords de l'urne,
Afin de respirer les balsamiques fleurs
Qui cajolaient, de leurs parfums ensorceleurs,
Les douze plaies que lui firent d'amers jongleurs.
Causa nostræ lætitiæ.
Reine blonde, douce Reine, naïve Fée,
Que n'ai-je hélas ! la lyre du divin Orphée
Pour parer tes autels d'un immortel trophée !
Car dans l'obscurité du mauvais corridor
Où j'égarais mes pas de faux Campeador,
Tu fis surgir la fête aux mille lampes d'or.
Ton Sceptre de Lumière tint l'ombre asservie,
Et d'un seul coup d'archet tu fis fleurir la Vie
Spirituelle où nage mon âme ravie.
Rosa Mystica.
Dans le silence émerveillé d'un frais matin,
Au jardin de lumière interdit au Destin,
Tu t'épanouissais en un rêve incertain.
En un rêve incertain d'extases attendries,
Tu t'épanouissais sous des ciels de féeries
Où de grands migrateurs brochaient des broderies.
Mais moi, mauvais larron que n'effraie nul délit,
J'ai profané, pour reposer mon front pâli,
Tes blancs pétales dont je me suis fait un lit.
Domus aurea.
Ouvré comme un palais de faste et d'opulence,
O retrait de prière et d'ombre et de silence
Au seuil duquel s'apaise toute violence,
Les flots des temps battront en vain tes escaliers.
Ils ne prévaudront point contre les boucliers
Dont j'ai fortifié tes murs hospitaliers :
Boudoir d'Avril, Château d'Été, puis Cathédrale
D'Automne, tu seras l'Abbaye vespérale
Où mon cœur pieux exhalera son dernier râle !
Jean Court.