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- O neige, toi la douce endormeuse des bruits
- Si douce, toi la sœur pensive du silence,
- O toi l'immaculée en manteau d'indolence
- Qui gardes ta pâleur même à travers les nuits.
- Douce ! tu les éteins et tu les atténues
- Les tumultes épars, les contours, les rumeurs;
- O neige vacillante, on dirait que tu meurs
- Loin, tout au loin, dans le vague des avenues !
- Et tu meurs d'une mort comme nous l'invoquons,
- Une mort blanche et lente et pieuse et sereine,
- Une mort pardonnée et dont le calme égrène
- Un chapelet de ouate, un rosaire en flocons.
- Et c'est la fin : le ciel sous de funèbres toiles
- Est trépassé...
Votre âme, lui écrivit M. Mallarmé, donne toujours cette haute impression de luxe qu'elle a le temps. Parole affectueuse et juste. Le temps, oui, le temps de rêver son rêve, de scruter et de comprendre la vie des choses, d'apparier leur mélancolie et sa mélancolie. S'il s'éloigne des villes défuntes et s'égare le long des canaux, s'il écoute la plainte murmurée des rivières, il entend ces voix et ces plaintes :
- La voix de l'eau qui passe est triste et mire en elle.
- La moindre affliction qui l'a frôlée un peu...
- La voilà s'affligeant du départ en exil.
- De la fumée, au loin, que la bise balaie
- Et qui, violentée, abandonne dans l'air
- Ses voiles, et dans l'eau vient mourir toute nue...
- Voix qui prolonge un peu les voix qui se sont tues,
- Voix triste qu'on dirait posthume et d'autrefois,
- Voix qui parle comme regardent les statues...
Surtout il y suit encore son rêve, il y voit le reflet de son âme ; les mots se répètent comme en des litanies. Ce cœur de l'eau « souvent malade et sans mémoire », de l'eau si pâle, « qui parfois en des frissons, en des remous », crispe sa nudité d'une douleur charnelle, qui dort en un miroir « où les choses se font l'effet d'être posthumes », il nous le révèle en cette seconde partie du poème, une des plus belles, et en tous cas d'une émotion neuve. Subtile psychologie de l'eau vivante et vraiment féminine, aimant le ciel comme en un hymen consenti, qui sanglote d'être seule « en ce grand calme qui lui fait mal », qui pense et se lamente et se souvient, — c'est la psychologie