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Grâce ! en mon sein lacéré, brise
L'âpre lance du Repentir
Au bec rouge et qu'à se sentir
Ronger, cette chair se méprise !
Jésus Sauveur, que, des murs, les poings morts
Des Saints croulants lapident mes remords !
Grâce ! qu'au feu qui l'environne
Saigne mon crâne incandescent,
Et, que le front lavé d'un sang
Qui perla de pleurs ta couronne,
Jésus Sauveur, ma Mort fume, en encens,
Des cinq bûchers de mon Âme : mes sens!
Mais d'en gémir renaît le péché qu'elle expie !
Soudain, ses yeux cerclés d'une fièvre assoupie
Fulgurent, faux brillants dans leurs chatons de plomb,
Et pétale fané de Passiflore impie,
Sa langue fleurissant d'un houleux gonfalon
Le férial appel des dents qu'elle pavoise,
Sur l'orage automnal d'un âge encore blond
Tord l'éclair violet de sa flamme grivoise....
Sous ce rire, un baiser de nonnain s'apprivoise
Qui novice et vermeil en son délire long
Écume ainsi qu'un flot de grisante cervoise.
C'est l'extase de chair, le paradis félon!
Mais, parfois, dans ce ciel d'impureté que nue
La gamme des langueurs, leurs âmes, en surplomb,
Voient le Serpent du mal qui flamboie et sinue
Comme un glaive damnant leur perversion nue!
P.-N. Roinard.