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quelques racines en Russie : j'entends qui n'y ait pas été transplanté et cultivé en serre, mais y ait germé, en plante aborigène, à l'ombre des forêts de bouleaux et sur les rives des grands fleuves.
 Il faut cependant se rendre compte jusqu'à quel point elle plaide en faveur du sentiment esthétique de la nation. Le fait d'avoir une musique signifie-t-il grand chose ? Non, sans doute, si cette musique n'est pas elle-même artistique. Ne savons-nous pas que tous les peuples, jusqu'aux plus sauvages, ont leur musique, comme ils ont leurs danses et leurs légendes. Musique, danses, légendes, ce sont plutôt des attributs humains que les signes d'une supériorité de civilisation. On les retrouve en Russie, comme on les rencontre en Chine, au Maroc ou chez les Niam-Niams. Ce n'est donc pas sur leur existence, mais sur leur caractère, leur fécondité, leur évolution dans les sphères intelligentes de la société qu'il faut se fonder pour juger du plus ou moins d'aptitude d'une race à percevoir le beau.
 Pour moi, je dois l'avouer, je trouve la musique russe assommante. Je m'efforce pourtant de donner congé à mes délicatesses, et je me demande sincèrement ce qu'elle vaut. C'est avant tout et malgré tout une musique populaire : telle elle est née, telle elle est restée en dépit des plus consciencieux efforts. Le peuple, qui l'a engendrée, l'a faite à son image, monotone, triste, langoureuse, mais d'une mélancolie de chose, de paysage, plutôt que de sentiment ou de pensée. Elle commence sans qu'on sache pourquoi, se poursuit indéfiniment, avec des retours sur elle-même, sans discontinuation, sans parties, sans mouvement autre que ce flux incessant et ce reflux des mêmes ondes sonores revenant sans trêve battre l'ouïe, comme une mer uniforme tourmente un bout de grève. C'est un tissu toujours semblable, où sur la chaine de longs accords primitifs rôde la trame non d'une mélodie, mais d'une phrase de quelques mesures passant et repassant à satiété. Fort simple, l'harmonie, avec ses éternelles modulations par le dominante des majeurs aux mineurs et des mineurs aux majeurs relatifs, n'a cependant ni rigueur, ni sécheresse : elle est, au contraire, fluide, inconsistante, souvent insaisissable aux oreilles peu exercées et leur paraissant beaucoup plus compliquée qu'elle ne l'est vraiment. Cette illusion est produite par les entrées successives des voix, qui n'entonnent jamais à la fois, mais se pourchassent, s'entraînent, se complètent, se dissocient, procédant par gonflements et décroissances, s'évanouissent et reviennent, livrées chacune à une sorte d'improvisation propre dans le schéma symphonique général. Un même accord réel offre ainsi une apparente variété. Par là-dessus se brode le thème, toujours identique et toujours mobile, en fantaisistes arabesques capricieusement jetées, dans une interminable série d'effets obtenus par les seuls changements de timbre, de rythme et d'expression. L'accompagnement d'un accordéon angoissé, d'une clarinette capricante et de cris divers contribue à marquer cette musique d'un cachet spécial que je suis la dernière à méconnaître.

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