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d'engrais pour la culture des pommes de terre ou une nouvelle façon d'accommoder le veau. Or, on conviendra que des dissertations scientifiques ou philosophiques, quelque profondes qu'on les suppose, ne sont point proprement des manifestations d'art; on accordera même que les genres éminemment favorables à l'expression artistique, la poésie, le roman, le théâtre, n'acquièrent une valeur littéraire que par certaines qualités de conception et d'exécution qui les distinguent des entreprises d'intérêt uniquement spéculatif ou pratique. Que dira-t-on d'une œuvre où la forme, en petit négligé, ne présente qu'un obscur amalgame de mots et de phrases accumulés sans choix, sans discernement, sans intention, indifférents à habiller la pensée d'un vêtement qui lui donne une tournure; où le fond n'offre aucune recherche du beau, du pittoresque, du spirituel, de l'original, et se borne à quelques constatations banales de la vie courante aussi pauvrement imaginées que stupidement dites? Lors même que quelques sentiments moins superficiels, quelques opinions moins faibles qu'ailleurs s'y prélasseraient, lors même qu'on y verrait sévir une de ces idées puissantes qui exercent une action certaine sur les masses, que serait-ce qu'une telle œuvre, si la vulgarité du style et la bassesse de l'esprit la taraient irrémédiablement? Jugeons la Russie sur la littérature, je veux bien: mais ne nous forgeons pas d'illusions sur son sens esthétique avant d'avoir reconnu jusqu'où s'élève l'esthétique de sa littérature.
  Il y a deux sortes d'écrivains russes: ceux qui sont russes et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers, véritablement, n'ont rien à faire dans le débat. Hynoptisés par l'Europe, alors dans tout l'éclat du romantisme, ils ont reconstitué, d'un peu loin, mais avec un réel talent d'adaptateurs, à l'usage de leurs compatriotes peu lettrés, Shakespeare, Byron, Schiller, Musset et Lamartine, ils ont poussé le souci de leur réputation jusqu'à affubler de noms russes des héros aux âmes germaniques ou latines et à les faire se mouvoir, agir, aimer et déclamer dans des paysages de l'Ukraine ou du Caucase : à cela se monte leur part d'invention. Quand, sous prétexte de couleur locale, ils recourent aux moujiks, ce sont des moujiks d'opéra-comique. Cela n'est peut-être pas plus laid qu'autre chose: mais, pour ma part, je ne tiens pas tant à ce décor de fantaisie, et, pour le reste, je préfère lire Shakespeare, Byron, Schiller, Musset et Lamartine dans le texte.
  Avec les « années quarante », nous arrivons aux écrivains russisants. Mais alors le ton change. La méthode, qui de plus en plus s'affirme, consiste en un réalisme rustaud, terre à terre, aussi dépouillé de prestige qu'il est possible, s'efforçant de se ravaler à la vulgarité de la vie, de s'y accrocher, de l'étreindre de l'exprimer toute, dans son humiliante abjection. Il n'est plus question de rivaliser avec l'Occident en poésie, en grâce, en splendeur, en délicatesse, en intelligence: il s'agit de s'installer enfin à sa cuisine, d'attraper la Russie comme une vieille oie qui a échappé jusqu'ici aux doigts des marmitons, mais qu'il est grand temps d'utiliser, et de la

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