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Celui qui ne peut suivre ses habitudes, doit en contracter de nouvelles. Change, Deuteros, tes anciennes coutumes. Si tu étais menuisier et que ton rabot vint à s'user, sans chercher plus loin et malgré les inconvénients d'un outil neuf, tu irais en acheter un second chez le forgeron.
Certes.
Tu aimais Socratès, aime autre part. Mieux vaut peut-être qu'il soit mort, car les années commençaient à le frapper fortement. Peu de jours encore, et l'avenir devant ignorer l'abaissement de ses facultés, nous étions forcés de lui attribuer nos propres écrits. Devoir respectable sans doute, mais il est plus juste de recueillir pour soi le fruit de ses travaux.
En effet.
Il importe de savoir regretter son maître, et si l'on y voit un simple débarras, on déplore sa perte avec un génie plus grand. Les idées non obscurcies par la douleur donnent la vision plus juste, la phrase plus digne et les images mieux colorées. Tu sais de quelle ardeur Platon élabore son dialogue du Phédon. Il craignit de se compromettre en assistant aux derniers moments de Socratès ; j'en atteste la Mère des Dieux, il en célébrera sa mort avec plus de majesté.
Il est possible.
Vois-tu notre chagrin, Deuteros, si notre Socratès était devenu gâteux. Dans la ville d'Athènes