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L'homme est un mécanisme que l'amour-propre remonte chaque jour.
Nos mérites, nos désirs, nos prétentions et jusqu'à nos fautes, nous faisons tout entrer dans le piédestal de la statue que nous nous élevons à nous-mêmes.
On renonce au monde plus facilement qu'à soi-même.
On sacrifie ses goûts à ses préjugés, moins souvent ses intérêts, jamais son amour-propre, vu que l'on se fait gloire justement d'avoir de tels préjugés.
La satisfaction personnelle que l'on apporte à la vie est le meilleur moyen de la supporter allègrement.
Nous nous méprenons souvent à nos capacités et toujours à notre mérite. Nous rangeons à l'actif de celui-ci non seulement ce que nous accomplissons réellement, mais encore tout ce que nous voudrions accomplir.
Il y a des hommes qui ignorent leur véritable mérite; il n'y en a pas qui soient exempts de prétentions.
Lorsque l'on s'indigne contre le pharisien, n'est-on pas soi-même pharisien, et ne dit-on pas comme lui : Je te rends grâce, ô Dieu, de ce que je ne suis pas comme cet homme-là?