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Il a perdu la Passion sans trouver la Joie.
C'est peut-être ici, hélas! la grande maladie morale de la plupart des jeunes poëtes de cette heure: ils n'ont ni passion ni joie. Ils me coquettent avec de subtiles possibilités littéraires d'amour et font des vers très raffinés sans rien d'essentiel. Même on peut s'étonner de l'étrangement inutile bravoure qui les incite à publier des rêveries sans cause vitale comme sans but idéal. Singulier moment d'outrance dans le dilettantisme, où rien ne se fonde plus ─ je parle pour le plus grand nombre ─ ni sur une croyance ni sur un désir de croyance! où l'on emprunte de l'originalité à des imitations bien exquises!
Ne serait-ce pas que nous avons oublié nos initiaux devoirs?
Je lis un livre ─ parmi les plus passionnants qu'on puisse lire (2) ─ que saint François d'Assise avait fait, à quiconque acceptait la règle franciscaine, de la Joie une obligation canonique au même titre que la Chasteté, de l'Obéissance et de la Pauvreté. — Aujourd'hui, ne sommes-nous pas, Poëtes, les seuls authentiques disciples de saint François? Pour la chasteté et l'obéissance... je ne sais qu'en dire: mais n'avons-nous pas fait, en écrivant nos premiers vers, vœu de joie invincible et de perpétuelle pauvreté?
A défaut de joie et de passion, Dubus au moins garde un élégant désir d'intense vie sentimentale. C'est ces idéal d'intensité qui prête à son œuvre le charme de l'unité. Unité composite et qui relie des époques variées, unité réelle pourtant. Plus d'un titre de poëme (lisez l'éloquente « Table des matières ») fut, l'heure de sa nouveauté, le titre du livre lui-même : n'est-ce un bon signe de concentration croissante et la preuve d'un développement logique et un de la pensée du