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foule que je ne vois pas, mais la rumeur qui monte par delà cette barrière de gardes m'indique assez sa présence. Pourquoi des formes humaines m'entraînent-elles ? Je ne veux pas. Non, et...je ne parviens pas à me débattre des liens étroits qui me garrottent. Ha ! mes regards se heurtent à une machine que je reconnais : deux poteaux encadrent un triangle brillant. Dans le même temps je bascule, précipité en avant, et sens autour de mon cou la gêne d'un collier rigide et glacé. Le couteau tarde bien, ou est-ce que ces secondes-là comptent double ? Je voudrais me recueillir, obtenir une dernière pensée lucide, solennelle, avant l'instant final... tout est flottant, indécis, flou, dans ma tête, qui va tomber.
  Cependant, voici que passent, avec une rapidité inconcevable qui n'exclut pas une achevée précision de détails, de naïves et candides images, mes actes de tout petit, menus épisodes datant mon enfance de leur insignifiance grandie et retenue les jeunes figures, les paysages primitifs qui l'encadrèrent. Cette reviviscence de fort anciens souvenirs s'irradia comme une gerbe de fusées éclatantes, constellation vite éclipsée.
  Une indéfinissable sensation de vide suit un choc violent sur la nuque : je m'aperçois de l'absence de mon corps et l'étrangeté de cette constatation m'effraie. Du noir éclaboussé de rouge et encore du rouge strié de noir, sous mes paupières, palpitantes d'un irréprimable tressaillement, un rappel de la récente impression, le biseau du couperet tranchant la moelle, en me vrillant d'une douleur suraiguë, survivent seuls à l’effondrement dernier.
  Ici se place une période d'inconscience absolue, complète, à la suite de laquelle, progressivement je redescends en moi-même ; une douce tiédeur, un bien-être infini me ranime, me pénètre, et je me retrouve dans mon laboratoire, versant de la liqueur orangée sur un cerveau placé en un cristallisoir.

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