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SUR LA SENSIBILITÉ
Le cœur est un levier puissant que doit mettre en œuvre la raison.
Rien n'est si dangereux qu'un homme de cœur qui a des idées fausses.
Le cœur, c'est l'enthousiasme : c'est aussi le fanatisme.
Le cœur est un volcan, dangereux quand il est en activité, laid quand il est éteint.
Le cœur donne quelques fois de l'esprit ; l'esprit ne donne jamais du cœur.
Il ne suffit pas que le cœur soit d'or ; il faut encore qu'il soit délicatement ouvré.
Trop de raison jette sur tous les sentiments une disgrâce.
Les contradictions du cœur n'en sont pas.
Notre cœur nous emporte au large ; notre raison nous retient sur le rivage. De là tant de naufrages pour le cœur et tant de dépendances pour la raison.
L'égoïsme du cœur est le plus noble de tous les égoïsmes : mais c'est aussi le plus tyrannique.
L'incrédulité du cœur est un vice, le cœur étant fait pour être crédule, comme l'esprit pour ne l'être pas.