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l'âme par un objet au détriment de tout le reste.
Le cœur a ses prodigues et ses avares ; il a aussi ses économistes qui le discutent comme un budget.
Quelques-uns font carrière par l'élégie ; ils savent pincer adroitement leur cœur, jusqu'à lui faire pousser des cris de douleur.
Les femmes sensibles se donnent facilement et se reprennent de même.
Rien n'est moins digne de sympathie qu'une sensibilité qui n'est pas doublée de charité.
Les égoïstes de la sensibilité agacent plus qu'ils n'émeuvent.
Les larmes ne viennent jamais des couches profondes du cœur.
Les détresses du cœur sont des faiblesses de l'âme.
Pour ne pas se perdre dans le labyrinthe du cœur, il faut ce fil d'Ariane : le mépris.
Mépriser les souffrances du cœur ne veut pas dire ne pas souffrir, mais garder son sang-froid dans la souffrance.
Les souffrances du cœur ne doivent faire crier qu'élégamment.
Un cœur éprouvé se barde d'un triple airain : mais souvent cet airain ne recouvre plus qu'un cadavre.
Louis Dumur