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En somme, on se demande quel était le but des auteurs en œuvrant semblable machine. Ce ne fut à coup sûr une tentative bien méritoire. Toute la littérature grecque a vécu d'Homère et les classiques de France et des autres pays en ont fait leurs choux gras. A quoi bon y revenir. Les poètes d'aujourd'hni ont mieux à faire, j'imagine, que de retourner en arrière. Laissons cela aux précieux de l'Ecole Romane, M.Méry, croyez-moi. Noyons-nous plutôt dans le Magnificisme et la Théorie des Cinq Sens, cela vaudra mieux que de vivre des dépouilles d'autrui. Ce sera plus noble, sans compter plus intéressant.
Des comédiens, je ne peux dire grand' chose. Les malheureux ! ils furent à la hauteur de la tâche qui leur avait été confiée; c'est faire comprendre, n'est-ce pas? qu'ils furent franchement abominables. Exceptons pourtant M. Favre-Akilleus et surtout Mme Suzanne Gay, qui, au dire de plusieurs personnes peu susceptibles de partialité, déclame admirablement les vers d'Ennoïa, dans le mystère de M. Jules Bois. Ce n'est pas la première fois du reste que cette jeune artiste se distingue sur la scène du Théàtre d'Art, dont elle est dès à présent la seconde étoile — Mlle Camée restant la première. Je ne mentionne point M. Jules Méry, qui jouait le rôle de Kalkhas. M. Méry est un poète, il disait ses vers, il n'a donc aucun mérite à s’être distingué entre les autres comparses.
Tout compte fait, cette dixième représentation est désastreuse. Le Théâtre d'Art va périclitant de mois en mois, et sa déchéance est proche. Déjà nombre d'artistes, et des meilleurs, se désintéressent de cette entreprise. Si M. Paul Fort n'y remédie au plus tôt en changeant de voie, le chiffre des défections ira s'accroissant jusqu'au jour où, complètement abandonné des intellectuels, le Théâtre d'Art ne sera plus qu'une boîte à chahut, un grotesque guignol, voué aux sarcasmes et aux éclats de rire des seuls philistins. Ce qui serait une lamentable destinée pour un théâtre qui devait être initialement, dans l'esprit de son directeur, le Théâtre des Poètes.
Jean Court.
Il nous revient de divers côtés, après publication de chacune de nos livraisons, qu'il y a désaccord entre certains auteurs et nous sur leurs mérites : malentendu déplorable et où