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Quand un pédagogue, familial ou mercenaire, veut donner aux enfants dont il doit guider la jeune intelligence cette éducation conventionnelle généralement qualifiée de bonne, il leur inculque d'abord ce principe: « Soyez respectueux », et pour leur en démontrer l'éternelle excellence, il les accable de punitions sitôt que, à son égard, ils manquent de s'y conformer. Et les enfants grandissent, persuadés qu'il est nécessaire d'être respectueux.
Si, par hasard, il en est qui résistent, et qui, plus tard, se permettent de ne pas admirer ce qu'il est reçu d'admirer, ou de penser que les institutions sur lesquelles est fondée la société actuelle n'assurent pas un excessif bonheur à l'humanité, et d'insinuer que peut-être pourrait s'améliorer par des révolutions ou simplement des réformes le sort des malheureux, aussitôt ils s'entendent crier: « Vous n'êtes pas respectueux », et la foule à qui, hélas, le mot de respect impose, se détourne d'eux, et les voilà classés parmi les hommes dangereux, et qu'il faut fuir.
Est-ce donc un sentiment si noble, si digne de régir la pensée et l'action humaines, que le sentiment du respect? Il nous apparaît, au contraire de ce que pense la foule, qu'égarent trop facilement les sophistes privilégiés et conservateurs,