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matin, il se trouva à la lisière de la forêt et vit le soleil se lever sur la mer.
L'homme s'assit au rivage et pleura. Lorsqu'il leva les yeux, il vit le grand Dieu de la Mer se reposant sur les eaux, étendu de toute sa longueur, le bras replié, la tête dans la main. Son soyeux vêtement vert, en écharpe légère autour du corps, à chaque mouvement chatoyait d'humidité lustrée, sa chevelure éployée sur la surface de la mer scintillait comme un large rais de soleil, et ses yeux verts regardaient fixement l'homme assis sur le rivage et qui pleurait.
— Pourquoi pleures-tu ? demanda-t-il.
— Je me suis égaré, répondit l'être humain. J'ai erré pendant toute la nuit et je suis las. Je veux dormir, mais je ne le puis : je veux rentrer chez moi, mais je hais ma demeure. Je suis las de la vie.
— Il te reste la mort, dit le Dieu de la Mer.
— Je ne puis mourir, répondit l'homme. Et il frissonna. Car la vie était si belle, et je suis si jeune !..
— Va auprès de mon frère Pan, dit le Dieu de la Mer.
À ces mots, l'homme se mit à rire amèrement : — Pan m'offrait des fleurs, mais lorsque je voulais les cueillir elles se changeaient en papillons, et lorsque j'étais parvenu à prendre un de ces papillons je trouvais dans ma main un ver. Ton frère Pan est un fourbe.
— Viens auprès de moi, dit le Dieu de la Mer.
— Que me donneras-tu ?
— Je te donnerai la brise de la mer, les rayons du soleil, et l'étendue sans limites.
— Tu es si grand ! Tu me fais peur.
Alors le Dieu de la Mer prit une coquille :
Et pourtant je puis tenir dans un si étroit espace.
— Mais tu sembles si grave — imposant comme le destin.
Alors le Dieu de la Mer rit, à son tour, et son