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rire, comme un rayon de soleil, effleura la mer, et il leva la main, et la profondeur s'entr'ouvrit, et l'homme regarda dans la profondeur et vit, entouré de plantes grimpantes vert-clair, un palais en coraux érubescents, aux murs de mosaïque et de perles.
— Mais je suis enchaîné ! s'écria-t-il en grande détresse de cœur. Délivre-moi, — car j'aime une femme.
Le Dieu de la Mer rit de plus belle en regardant l'homme.
— Enfant, dit-il, tu appelles mon frère Pan un fourbe, et pourtant tu n'as pas découvert sa pire œuvre de mensonge.
Et il plongea son petit doigt dans la mer et de l'eau s'éleva un tourbillon d'où jaillirent des gouttes pareilles à des perles vertes, et de l'écume se déploya un voile argenté aux rayons du soleil, et à travers le voile apparut un visage de femme plus beau que l'homme n'en avait jamais vu encore. Et le Dieu de la Mer souffla, et le visage de la femme disparut comme une vapeur se dissout en néant.
Alors l'homme se leva, et sous ses pas le sol glissa, recula et s'enroula et sous l'horizon, et l'être humain se vit lui-même un petit point noir sur la mer infinie sous l'infinité du ciel, et un tel silence se fit que toute vie semblait morte, et que le Soleil brillait seul dans l'espace.
L'homme se jeta au sein de la grande solitude, rempli d'un sentiment d'indicible confiance.
J'étais là contemplant l'univers et j'admirais sa beauté. Étalé devant moi, il semblait une précieuse parure d'or sur un coussin de velours azur. Soudain une ombre tomba sur toutes choses. Croyant que c'était l'heure de midi, je pensai qu'un nuage voilait le soleil ; mais, regardant alentour, je reconnus que c'était le crépuscule du soir