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Franchère et gouverneur d'Ornans, est l'un des plus inconnus, des plus étranges, des plus excentriques, des plus hétéroclites, des plus musée-secret. Il était né à Salins en 1590, et, dès qu'il eut l'âge de raison, un cheval et quelques pistoles, il trotta vers Paris, où l'attendaient comme un frère tous les rimeurs éhontés du Parnasse satyrique, les Berthelot, les Motin, les Sigognes, les Saint-Amant, peut-être Mathurin Régnier, à l'exemple duquel il blasonna ses contemporains, en un volume appelé l'Espadon satyrique (3). C'est tout ce que l'on sait de Claude d'Esternod et on ne peut le connaître qu'en feuilletant ses élucubrations: elles disent un poète d'une singulière virilité et d'une souplesse rare; elles le proclament un autre Régnier, moins soutenu, sans doute, mais moins monotone, parfois aussi solide, et doué d'un certain lyrisme grimaçant.
Plus que chez Mathurin Régnier la rime est chez d'Esternod inattendue ; elle vient de loin souvent, ce qui fait les belle rimes :
Ceste Médée enchante, pipe
Père, rival et zélotype.
Sa langue est plus osée, plus pittoresque, pleine de mots parlants, d'assemblages baroques, d'images contradictoires ; à propos des courtisans :
Ils font les Rodomonts, les Rogers, les Bravaches,
Ils arboriseront (4) quatre ou cinq cens pannaches
Au feste sorcilleux d'un chappeau de cocu
Et n'ont pas dans la poche un demy quart d'escu.
Et il les montre :
Gringottants (5) leur satin comme asnes leurs cimbales (6),
Piolez (7), riolez (8), fraisez, satinisez,
Veloutez, damassez et armoisinisez (9).