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Tantost la fluste est propre et tantost le haut-bois.
Le cerf du premier coup ne rend pas les abois ;
Il court, il se repose : ainsi la poësie
Diverse esgaie mieux l'humaine phantasie.
Tel est l'abrégé de l'Espadon satyrique, — abrégé infidèle, car les traits obscènes ont dû t'être épargnés,
Hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère.
D'Esternod pourtant ne voulait qu'être vrai et moral, et c'est peut-être mal que d'ombrer ainsi la moitié de sa face ; il avait de grandes prétentions : celle de tracer de la pointe de son espadon (38) « un épitaphe immortel » ; de rendre, « avec sa généreuse flamberge, le monde net d'ordures, comme Hercule la terre des monstres ». Ainsi s'est-il exprimé avec un assez noble orgueil dans sa dédicace à un inconnu. Ces illusions, des contemporains les encouragèrent : Nicolas Faret, Jacques Mauginelle, Henry Fagot, le sieur de Boissat prônèrent l'Espadon. Boissat dit :
Espadon digne de mémoire,
Qui, profitable à son ouvrier,
Sers plus de burin pour sa gloire
Que d'instrument pour son mestier,
Jamais ton atteinte n'est vaine ;
Mais tu frappes avec douceur,
Puisque ta trempe est Hippocrène
Et un poëte ton fourbisseur.
D'Esternod eut toute licence de faire imprimer ses vers, car il vivait dans un temps où les hommes étaient libres de s'avouer hommes, où chacun écrivait sous la responsabilité de sa conscience, disait franchement sa pensée en tels termes qu'il lui convenait ; l'autorité, après avoir lu des satires dont la plus douce entraînerait aujourd'hui de rigoureuses prisons et la flagellation hypocrite des protestants, nos maîtres, — que