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des Aveugles et des Sept Princesses. Rappelons le sens subtil que le conférencier prête aux Sept Princesses :
« Schopenhauer a écrit quelque part que le monde des Idées est semblable à une forteresse sans portes autour de laquelle un guerrier tournerait en vain. Mais, ajoute-t-il, il y a un souterrain par lequel on peut entrer au cœur même de la place. J'imagine que ce symbole va nous éclaircir bien des choses. La salle des Princesses, voilà bien notre monde idéal ; l'autre côté du mur de cristal, voilà bien le monde réel ; et ce souterrain, quel est-il ? Il y faut passer par les tombes des ancêtres. C'est donc la mort. Ce jeune prince qui, débarqué, voit le navire s'en aller, voit en même temps s'éloigner l'Action, il n'est plus ici que pour retrouver sa fiancée, ou, si vous le préférez, l'Idée qu'il rêve ; et voici qu'il ne peut passer que par la Mort pour l'atteindre. Mais comme sa forme matérielle ne s'est pas dissoute en ce trajet, comme il est resté un homme, dès qu'il touche son Idée, elle meurt, et les hommes restés de l'autre côté, dans le monde réel, assistent à cette mort sans pouvoir l'empêcher. »
Plus loin, parlant du théâtre :
« Certes, l'homme y conservera son thème individuel sur l'orchestration de la nature, mais l'homme ne sera plus étudié seulement dans sa manifestation humaine et dans une époque précise. Il deviendra l'Incarnation, l'expression agissante et parlante d'une Idée ; par là, réalisant un type éternel, il grandira sous l'effort intérieur de cette force qu'il incarnera. »
Puis :
« Voici qu'un Art est créé, en qui la peinture, la musique, le plastique, le rythme et la parole se symphonisent indissolublement, et tout le monde est appelé au théâtre. Ce jour-là, ce n'est plus à des consciences solitaires et méditant sur un livre que le Poète s'adresse, c'est à cette Ame de la Foule qu'il adresse la Parole. Et ce jour-là, il n'est plus temps d'étudier, d'analyser ou de livrer au spectateur des vérités partielles et des certitudes fragiles : en qui chacun de nous pourra se reconnaître et prendre conscience de lui-même ; c'est une Vérité en qui chacun pourra s'abreuver et vers qui tous pourront aller, comme les organismes au grand Soleil. »
Le sympathique conférencier n'a pu nous entretenir nettement de l'idéoréalisme, sentant sans doute que Maeterlinck, pour tout enclin qu'il y soit, hante encore, à vrai dire et malgré telles scènes d'exception, la spéculation propre.
Dès que l'idéoréalisme l'aura pénétré, Maeterlinck, alors grand dramaturge dans tout le marbre de l'expression,