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l'Homme libre et Sous l'oeil des barbares pour des romans patriotiques, et ce mensonge était-il beaucoup plus véniel que les neuf dixièmes des professions de foi signées par d'« honnêtes gens ») et aussi parce qu'il a eu le courage et l'humilité d'avouer ce que d'autres cachent obstinément : à savoir qu'en sa qualité d'homme, il n'était point parfait. Cette sincérité vaut mieux que l'insupportable arrogance de la vertu. On ne saurait faire d'ailleurs que M. Barrès n'ait beaucoup de talent, et nous ne pouvons rien demander de plus à un écrivain. C'est la dernière des qualités dont se soucie M. Julien Leclercq, pour les autres s'entend ; car il expose non sans verve des idées malheureusement assez peu nouvelles, familières à tous les théoriciens du sens commun (qu'il ne faut pas confondre avec le bon sens) et à toutes les âmes bourgeoises qui demandent avant tout aux poètes d'« avoir du cœur » : c'est l'esthétique si heureusement résumée par M. Scribe dans un vers célèbre :
Le vin (bis), l'amour et le tabac!
Il n'est pas probable que les mécréants, dont je suis se convertissent sur l'heure ; ils demeureront plutôt avec les négateurs d'hier et de tous les temps et , s'outrecuidant peut- être sur leur propre mérite, penseront ainsi communier davantage avec la souffrance humaine que s'ils admiraient, en optimistes, l’œuvre peu satisfaisante des six journées.
P.Q.
Arte aristocratica, par Vittorio Pica (Naples, Luigi Pierro.) — Nous avons déjà, d'après le Don Marzio, analysé cette conférence que donna M. Pica, le 1 avril dernier, au Cercle Philologique de Naples. Elle nous revient aujourd'hui, en une typographie merveilleusement nette et en le format étrange d'un étroit agenda de poche. Ces trop brèves pages sont un complet et fort juste résumé de l'actuelle histoire littéraire, qui nous fera prendre patience jusqu'à 1'apparition des Modernes Byzantins.
R. G.
{Chères amours par Achille Maffre De Baugé Savine). — Ecrit dans un style de sport, de cape et d'épée, fort élégant et très tolérable en dépit de l'heure actuelle, ce livre est un incendie de cœur bien extraordinaire. L'auteur, que je me représente la plume au feutre et le manteau drapé à la castillane, se déclare le fervent de toutes les névroses de l'éternel féminin : caprice ou trahison, friperie du temps de Ponson du Terrail et vices à la Bourget, tout lui parait matière à effeuiller des roses. Il y a un moment béni durant lequel un prêtre tient le héros du drame suspendu (avec le lecteur) au-dessus d'un précipice et à la lueur des éclairs... et puis c'est très bien. Décidément une place est à prendre entre le naturalisme et le symbolisme, celle du héros suspendu : tombera-t-il? ne tombera-t-il pas ? D'ailleurs qui est-ce qui nous prouve qu'Alexandre Dumas n'est pas le premier des idéalistes mystiques? Votons une plume d honneur frisée au second, M. Achille Maffre de Baugé.
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