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des rentes durant une période connue, par le prestige d'ouvrages qu'ils ont presque toujours méprisés du vivant de leur producteur, auxquels — on peut le crier hardiment — neuf fois sur dix ils ne comprennent goutte, et il est bien juste qu'ils les conservent intacts.
— Quiconque maintenant abuse de leur silence, de leur futilité, de leur insouciance à sauvegarder la mémoire de celui qui les a enrichis à ses dépens, — quiconque favorise leur désir malhonnête d'augmenter les sommes qui leur sont allouées : par des tripotages au goût du jour, par des mutilations et des transformations niaises de romans en comédies, de poèmes en opéras, — quiconque les aide à battre monnaie en dénaturant les œuvres dont ils sont — pour si peu de temps — les dépositaires, commet une action répréhensible. — Et, bien que la loi ne connaisse pas de ce genre de délit — elle a tant d'occupations! — nous devons admettre que les librettistes, le plus souvent hélas, se conduisent, par cela, comme des malfaiteur.
Pour en finir avec la misérable pièce incriminée, je sais bien que des commérages nous transmirent le bref récit de quelques conférences entre Flaubert et M. Reyer ; leur entente, affirme-t-on, était parfaite ; ils aspiraient autant l'un que l'autre à voir Salammbô évoluer devant eux, déguisée en cantatrice. Théophile Gautier, dont fut priée la muse au labeur profane de l'adaptation, puis M. Mendès se récusèrent. M. Du Locle n'est que le pis aller, le Scribe quelconque, le premier librettiste venu, — parce qu'il fallait quelqu'un — Eh bien! c'est convenu. Que la faute lui soit légère; le code d'honneur de la confrérie a dû l'absoudre par avance; et pour sa satisfaction, je le reconnaîtrai publiquement, — car, après tout, je ne veux point m'attirer d'histoires, — je suis persuadé qu'il s'est mis en règle, qu'il garde en poche tous les consentements jusqu'ici exigés par l'opinion. S'il y tient même, tant il est loin de ma pensée de lui chercher querelle, Je le saluerai le plus galant homme de la terre; son seul tort fut une douce présomption, par quoi il demeure justiciable de la critique. — Cette déclaration, je la fais d'autant plus volontiers du reste que je m'attaque aux procédés quotidiens des librettistes et des compositeurs, non à leurs personnes; et je demeurerai persuadé de ceci, en dépit de toute information: — Salammbô n'a vu la rampe que