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A Charles Morice.
Sous ses cheveux, pleurs d'un soleil occidental,
Sentant tourbillonner les ailes prophétiques
Des funèbres corbeaux aux plumes de métal
Qui clamaient les gibets émergeant des portiques,
Jésus, désabusé de l'ave des faubourgs,
Fuyait, à pas traînants, la muraille écarlate
Où vibraient les tubas de bronze et les tambours
Et les boucliers d'or des soldats de Pilate.
Il allait, soulevant les poudres du chemin,
Dardant ses bras en croix vers l'azur implacable
Où son œil épelait ton forfait, ô demain,
Eclaboussant de sang la Table irrévocable...
Sous son front se dressaient des hontes de banni
Blême du geste noir des sinistres solives.
Lorsqu'il fut arrivé sur le Gethsémani,
Le jardin bienveillant où croissent les olives,
Il se laissa tomber parmi les gazons roux,
Ecrasé sous le plomb des lois théologales,
Et laissant essorer – le menton aux genoux –
Des sanglots qui montaient dans le chant des cigales.
— « Mon père ! pleurait-il, mon père, pitoyez !...
Vous avez fait de moi le poète sublime
Qui ne trébucha point aux fossés côtoyés,
Qui ne saigna jamais aux stupres de Solyme !
Vous avez fait de moi le rêveur soucieux :
Vous m'avez mis au cœur la barbare Chimère
Brûlant les murs de chair qui l'exilent des cieux !...
— Dédaignant les grelots de la joie éphémère,