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sacra fames de Virgilius Maro : « A quoi ne pousses-tu pas les cœurs des mortels, faim impie du rouge métal! » Les flagellateurs du Christ ne sont autres que des Cyclopes ; Judas se conduit à l'égard du Fils de l'Homme comme Brutus avec Jules César ; les stoïciens ont prêté leur Sustine, abstine ; les grammairiens grecs, la division de la tragédie en protase, épitase et catastrophe ; bref, aucune fleur surannée n'est absente et voici même, dans tout son ridicule et sa hideur, Marcus Cicero, effigie antique d'Adolphe Thiers, qui apporte le fameux Quousque tandem.
Il est vrai qu'ici l'urbanité ne demandait pas moins : Jésus-Christ hésite à boire le calice ; l'Amour et la Douleur se combattent en lui ; il faut que cette lutte prenne fin, et, pour s'adresser au Sauveur et l'inviter à « avoir du Courage », ainsi qu'on dit de nos jours à la Roquette, ce n'est pas trop d'une apostrophe aussi correcte. Ce coup d'aile opportun relève ce qu'il y a ensuite d'un peu vulgaire dans le raisonnement du Père Jésuite: « Mais, ô Jésus très affligé, permettez-moi de vous objecter seulement ceci : qu'adviendra-t-il de nous malheureux, si vous refusez de mourir ? Buvez enfin le calice de la Passion!» Le discours est involontairement comique et blasphématoire; et ce n'est rien encore: nombre de passages sont plus extraordinaires. J'en citerai deux entre beaucoup. L'institution de l'Eucharistie est donnée comme « le stupéfiant projet de l'Amour ingénieux.» D'une part, l'ordre de son Père obligeait le Christ à quitter ce bas monde ; et d'autre part son amour pour les hommes lui commandait d'y rester : cruelle alternative. « Fais attention, ô âme, et sois stupéfaite! Il s'en est allé loin de tes sens, mais il reste avec toi cependant par la foi. Pour jouir de ton amour, il s'est caché sous le voile de l'hostie, où on le voit avec les yeux de l'âme, lui que les yeux du corps ne devaient plus voir. » Mais la plus admirable peut-être de ces imaginations dépasse en fantaisie charmante tout