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toute la critique à faire de ce livre aimable. Beaucoup de pièces, assez anciennes, sont édifiées selon la technique du Parnasse ; quelques-unes étaient fort connues avant la publication en volume, par exemple Les Vieux chats :
Comme ils sont tristes les matous,
De n'être plus sur les genoux
Qui leur faisaient un lit si doux...
Les bonnes vieilles, leurs maîtresses, sont mortes, et elles ont emporté tout le vieux bonheur : cajoleries, gourmandises, longues paresses au coin de l'âtre pendant qu'elles tricotaient
En rêvant au bel houzard bleu
Qui reçut leur premier aveu,
et que
Le ragoût qu'on allait manger
Cuisait avec un bruit léger.
Ils rôdent abandonnés, étiques et funèbres, sur les toits, guettant une nourriture,
Et quand ils voient passer en bas
Des bonnes femmes à cabas
Qui trottent menu d'un air las,
Le bon goût des crèmes sucrées .
Où trempaient les croûtes dorées,
Revient a leurs lèvres sevrées...
A signaler encore La Fileuse, Métamorphose, Freya, la Baladade du coupeur de chat, « l'homme au shako jaune merdeux » : cette ballade nous laisse le regret que M. Raoul Gineste n'en ait point écrit d'autres.
A.V.
La Messa a Psiche di Emma (E. Viola Ferretti - (Città di Castello, tipografia dello stabilimento S. Lapi). - Ce volume nous est parvenu orné d'une dédicace bizarre dont voici la traduction : « Au Mercure de France, qui tente de galvaniser les symboles, un vieux rat de librairie matérialiste adresse [ce livre ] par dilettantisme d'antithèse. - Milan, 18 avril 1892. » Le vieux « Rat », qui n'est sans doute ni l'éditeur, ni la signorina Emma, a cru nous jouer un bon (ou mauvais) tour, en nous obligeant à lire cette historiette, et il ne s'est trompé qu'à moitié. Dans ce conte fantastique assez compliqué qui commence au Ve siècle et finit aux XVIIIe, la Psyché est une statuette, jetée dans un puits par le dernier poète païen ; un couvent se bâtit autour du puits ; Psyché « revient », se promène, est vue par un peintre, qui, croyant faire une Vierge pour l'église du couvent, fait une Psyché. On dit la messe devant cette Psyché, - ce qui n'est pas bien grave. Quant à l'expression la messe à Psyché, elle est singulièrement fausse, car on ne dit la messe ni à aucun personnage, ni à aucun saint, ni même à la Vierge. Le petit blasphème final est donc assez maladroitement raté. Je supplie le vieux « Rat » de ne plus m'envoyer que des chefs- d'oeuvre.
R.G.