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poignante. Mais partout ailleurs règne, dans le livre, l'abstraction fatigante et inutile; et l'on pense malgré soi, à cause d'une certaine gaucherie, que toute cette science, psychologique et autre, n'est pas très bien assimilée. Le drame même s'en trouve diminué. Christian ne serait-il malheureux que pour avoir mal compris ?
La langue aussi est inégale, diffuse et parfois inexacte. Elle rappelle en quelques passages les poncifs romantiques: « S'il est des anges, elles doivent être toujours ainsi » ; et elle est aussi surchargée de termes techniques ou savants, non sans quelque méprise. Ainsi il faut dire le « chérubin », comme tout le monde, ou le « keroub », comme les hébraïsants mais point le « kéroubin »,qui n'est ni du vocabulaire courant, ni du vocabulaire des érudits. De même, il serait abusif de s'imaginer les « aruspices » comme des personnages qui détenaient de graves secrets hermétiques : c'étaient de pauvres petits sacrificateurs étrusques, sans aucune valeur sacerdotale, des diseurs de bonne aventure peu considérés, qu'on expulsait de temps à autre de Rome, à la manière de gens suspects et interlopes. Critiques de détail peut-être méticuleuses, il faut l'avouer, et qui n'enlèvent que peu de son très haut intérêt à une œuvre de si rare intention.
P. Q.
La Vie sans lutte, par Jean Jullien (Bibliothèque Artistique et Littéraire). — Livre antérieur, j'imagine, au Maître et à La Mer; au reste, mêmes simplicité de conception et d'exécution, mêmes qualités d'observation menue, mais, ici, avec des fugues romanesques plus fréquentes. La première des trois nouvelles qui le composent, La Vie sans lutte, repose tout entière sur cette fausse idée si répandue que la condition sociale de l'ouvrier est préférable à celle de l'employé. L'auteur nous montre un rond-de-cuir appointé à 2.100 fr. et qui, avec des écritures expédiées en dehors du bureau, doit vivre sur le pied d'environ 3.000 fr. Certes, ce n'est pas riche. Mais prenons un ouvrier gagnant une journée moyenne, soit 7 fr.: un ouvrier sérieux et qui ne se dérange point, de bonne santé, dont le métier ne chôme jamais, ne travaille guère — dimanches, fêtes et circonstances inévitables retranchés — que 300 jours par an; total : 2.100 fr., juste comme l'employé. Mais il faut observer que l'ouvrier a donné toute sa journée à son patron, qu'il ne gagnera rien une fois sorti de l'usine, et que, à moins de s'établir (cas exceptionnel), sa condition ne s'améliorera jamais — tandis que l'employé d'administration, par augmentations periodiques, gagnera jusqu'à 3.6000 fr., à supposer qu'il ne passe sous-chef (cas exceptionnel correspondant à l'établissement de l'ouvrier). Je ne dis rien de la retraite, que l'employé paie de ses propres deniers. Quant à la « représentation » qui incombe à l'un et dont l'autre est dispensé, ce n'est vrai qu'en province; à Paris, l'employé vit comme il l'entend, demeure où il veut (celui de M. Jean Jullien habite une rue et une maison impossibles); il peut enfin n'avoir pour vêtements que