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de la route de la mer à Paris. L'ordonnance les relevait de ces impôts et organisait une compagne de gardes spéciaux chargées de défendre leurs intérêts. Ces gardes rédigèrent une sorte de code de la marée qui resta en vigueur jusqu'en 1678, où fut créée au Parlement une Chambre de la marée pour connaître seule de toutes les contestations des marayeurs avec les agents du fisc. Outre les marayeurs, il y avait les pourvoyeurs du roi, toujours en chemin entre les ports de la Manche et Paris, chargés de recruter les meilleurs morceaux; néanmoins les marayeurs avaient le privilège d'acheter même avant les pourvoyeurs du royaux. Autre privilège: il était défendu de saisir pour dettes leurs voitures ou leurs chevaux. Leur seule obligation était de ne pas s'arrêter en route et de ne vendre leur poisson qu'à Paris; il fallut une permission du roi pour que, en 1753, le Parlement étant exilé à Pontoise, les voitures de marée y fissent escale à certains jours.
On pourrait aller à bien plus haut que le roi Jean si l'on voulait donner sur ce sujet mieux que des indications; il serait facile, par exemple de parler du droit de hallebic, établi à Paris sur le poisson frais et supprimé en 1325 par Charles le Bel: cet impôt datait du XIIIe siècle. Mais ces notions suffisent à prouver qu'avant les chemins de fer et très anciennement, Paris était pourvu de marée; elle y était même abondante, d'après le chiffre donné au début de cette note. Quant au poisson salé ou fumé, il a toujours abondé à Paris et dans toute la France: les Normands péchaient le hareng dès le XIe siècle, comme nous l'apprends la charte de fondation de l'abbaye de Sainte-Catherine-lez-Rouen, qui date de 1030. Le poisson de rivière était commun au point que les valets de meuniers retenaient, en Normandie, de n'être nourris de saumon que trois fois par semaine. La législation sur la pêche fluviale, telle qu'elle est encore en vigueur, remonte en grande partie à Philippe le Bel.
A. D. M.
Shakespeare. - On nous écrit:
Paris, 1er juin 1892.
Monsieur et cher confrère,
Je lis dans le n° de mars du Mercure une fort intéressante note sur Shakespeare, de la quelle il semble résulter que le plus ancien document français sur l'illustre dramaturge est dû au chevalier Temple, Utrech, 1693. L'auteur de la note termine en disant. « Cette mention est bien antérieure à celle que l'on doit à Clément, rédacteur dans les premières années du XVIIIe siècle du catalogue manuscrit de la Bibliothèque nationale. »
Or il est bon de rappeler ici que Nicolas Clément est l'auteur de deux catalogues méthodiques. Le premier, commencé en 1675 et achevé en 1684, comprend entre autres un exemplaire du Shakespeare in-fol. de 1632. Ce travail avait été préparé à l'aide de fiches manuscrites que la Bibliothèque