Page:Mercure de France tome 005 1892 page 293.jpg
métaphore, mais formellement, chacun dans la disposition de ses suprêmes ressources et dans la combinaison générale de ses attributs, ainsi toutes les effigies connues des Dieux du Paganisme, qu'étala par défi l'empereur païen Licinius, s'alignaient entre les rangs des cohortes, les renforçant de leur royale multitude qui roulait, formidable Olympe ému par de nouveaux Titans, dans la poussière de l'armée. Du fond de sa Corne d'abondance, le Panthéisme avait comme vidé là, résumées en une complète série d'emblêmes, ses myriades d'êtres, de forces, de volontés, frémissant, parmi la trépidation haletante des dernières légions païennes, de sentir si imminente leur catastrophe. Dans l'autre armée, l'égide du Labarum se repliait, en flottants plis de pourpre, sur les rangs chrétiens. Les cieux, tout autour, pleins d'ondulations, semblaient comme le prolongement de cet étendard, qui refoula, de son flamboyant gonflement, les clartés flétries de l'Olympe écroulé. Mais du moins, au moment de périr, le monde ancien apparut-il tout entier résumé dans l'éclair de cette bataille.
Plus tard, à l'époque des invasions normandes, ce fut, au-devant des païens du Nord, le même déploiement suprême des majestés de la religion chrétienne à son tour menacée. Des religieuses, plutôt que de déserter leur couvent et afin de déconcerter la lubricité des barbares, se mutilèrent le visage. Les oriflammes, comme un déploiement d'archanges, avançaient à l'encontre des rafales où tournoyaient les corbeaux des sinistres étendards danois. Translaté d'église en église, de monastère en monastère, tout un ossuaire de préservatrices reliques circulait parmi l'imploration des peuples. Ce fut l'époque des reliques. — De toutes parts, des processions se déroulaient, ruisselantes de châsses dorées. La noirceur des hordes barbares s'arrêtait, indécise, sur les bords de ces méandres resplendissants. Un jour, enfin, elle recula, le jour où Rollon, converti, s'agenouilla devant l'archevêque