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représentait le Christ que sous l'apparence d'un éternel Adolescent, d'un nouvel Adonis, dont le bleuâtre soir de mystique angoisse, passé au jardin des Oliviers, aurait à peine pâli et affiné la chaude beauté. Les femmes de Byzance, lorsque, extasiées, elles serraient cette Image sur leur sein, faisaient songer aux prêtresses des sanctuaires de Byblos.
L'idée du supplice ombrait si peu cette vision, que souvent, dans les représentations du Crucifiement, la Croix était seule, et Jésus, au-devant, se tenait paisiblement debout, grave et doux, comme lorsque, dans Béthanie, il donna la salutation à Marie-Madeleine.
Tel il rayonnait dans tout l'Orient, où flottait, à peine d'hier, la blonde langueur des vieilles religions du Soleil. Et brusquement, voici que c'était la nuit, la nuit dans les églises, où ne resplendissaient plus ses Icônes, le vide dans les villes, que ne peuplaient plus ses simulacres ; déserts et ténèbres, comme aux Lieux-Saints ravagés par le glaive d'Omar.
Alors les Moines fomentèrent dans tout l'empire grec une formidable agitation. Sous le narthex des basiliques, on les voyait déclamer, montrant au peuple le crépis jaune, boueux, qui recouvrait maintenant les murailles, hier tout enluminées de mosaïques, gémissant que le Diable ne craindrait plus d'entrer dans les sanctuaires dénués des Saintes-Images, qui les avaient, jusqu'alors, préservés. C'est que l'Iconoclastie ruinait, en Orient, l'influence des ordres monastiques. Peinture ou mosaïque, les Icônes étaient presque toujours l'oeuvre des Moines, manifestation de leur génie, et la vénération publique allait autant à l'auteur qu'à l'ouvrage. Cela leur avait conféré, sous les empereurs orthodoxes, une autorité presque sans bornes. C'est ainsi qu'ils régissaient même les armées, employées à bâtir des églises, armées où c'était, sous les étendards, plus d'auréoles que de casques, et qui