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n'existait point ; les stoïciens avaient été comme les théoriciens de cette doctrine, et, plus haut, les poètes avaient montré la douloureuse hunianité des Héros et des Demi-Dieux qui méritèrent l'Olympe se dissolvant aussitôt dans l'harmonie des plus pures substances éternelles : Hercule sur le sein d'Hébé, Adonis sur le sein de Vénus. Symbole strict, sans développement immédiat, sans correspondance dans l'âme des peuples, l'Agneau sanglant disparut, en effet, dès que l'Orient lui eut substitué l'Image de Christ triomphant, exaltée au VIIe siècle par le concile de Constantinople, type que l'art de la mosaïque byzantine fut si merveilleusement apte à réaliser dans son rigide et impérieux resplendissement.
Il était malaisé d'assembler sous un dessin souple et mouvementé tous ces dés multicolores, tous ces môssions dont se composent, champ et motifs, les mosaïques byzantines : verre doré, lapis, grenat syrien, cyprine, ophite. La roideur presque sculpturale du Christ grec, sorte de Jupiter anguleux et momifié, s'harmoniait avec la sérénité de l'immobile Orient. Une telle image devait être, après tout, de peu d'effet dramatique, et le sentiment pouvant résulter de sa contemplation n'était point, semble-t-il, pour faire date dans l'âme de ces peuples qui n'auront jamais d'âge. Qu'on nous excuse d'alléguer que le sens de cette figure ne pouvait être bien dramatique. En effet, si la largeur, le laisser-aller antique y est comme comprimé par les premières restrictions du Moyen-Age, si la pompe des draperies, la splendeur des auréoles, si toute cette écarlate expansion est enfermée et comme cloîtrée dans l'inflexibilité d'incisifs contours, si ce n'est plus l'épanouissement païen, ce n'est pas encore le recueillement chrétien. Entre cette effervescence orgueilleuse et cette suavité humiliée, il est une attitude terme d'impassibilité hiératique que l'art byzantin a fixée.
Chassé de Constantinople, cet art, pour reprendre