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racine, trouva donc en Italie un fonds longuement préparé. Il s'était particulièrement développé à Ravenne, siège de l'exarchat de ce nom, et où l'influence grecque était plus directe que partout ailleurs. L'Adriatique flamboyait, sous la basilique octogone de Saint-Vital, de reflets aussi vermeils que le Bosphore sous Sainte-Sophie.
Au VIIe siècle, la tradition de l'art des Icônes passe de Ravenne à Rome. Elle trouva là le décor du Haut-Empire, toujours debout dans sa sévérité latine, tout le solennel poème de marbre que le déferlement des invasions n'avait pas effrité, car ce que leur flot emporta fut plutôt l'apparat, le faste éphémère, extérieur, des Néron et des Héliogabale, tout ce qui était somptuaire et n'était point scellé dans l'austère granit de la Ville-Eternelle. Sur ces pages de pierre, ainsi dégagées, l'art pieux des Images s'inscrivit avec le plus pur éclat. Les portiques, où roulaient les tournoyantes et fumeuses bacchanales, s'ouvrirent sur l'azur limpide du Paradis. La robustesse romaine, spiritualisée, s'estompa dans la gloire de la religion s'appuyait, temporellement, sur elle, comme le géant Saint-Christophe s'effaçait dans le rayonnement de Jésus-Christ, quand il porta le Messie sur ses épaules pour lui faire passer un fleuve.
D'ailleurs, en ce VIIe siècle, l'iconographie sacrée parvint à Rome, non seulement par Ravenne, mais directement, de Constantinople même. En effet, avant de se réfugier auprès du Pape, dans le siècle suivant, les ordres monastiques de l'Empire Grec, les moines de la règle de Saint Basile, envoyaient déjà en Italie tous les tableaux qu'ils peignaient du Crucifiement, tous ces dyptiques, à fond d'or, dont on peut lire la description dans Gori, et qui venaient orner les murs des églises de Rome, ou servir à des imitations développées. Cette imitation est évidente dans le Crucifix en mosaïque de Saint-Etienne-le-Rond, lequel est du temps du pape Théodore Ier, mort en 649. Le