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Poil de Carotte est en train d'écailler ses poissons, des goujons, des ablettes et même des perches. Il les gratte avec un couteau, leur fend le ventre, et fait éclater sous son talon les vessies doubles transparentes. Il réunit les vidures pour le chat. Il travaille, se hâte, absorbé, penché sur le seau blanc d'écume, et prend garde de se mouiller.
Madame Lepic vient donner un coup d'œil.
— « A la bonne heure, dit-elle, tu nous as pêché, une belle friture, aujourd'hui. Tu n'es pas maladroit, quand tu veux.»
Elle lui caresse le cou et les épaules, mais, comme elle retire sa main, elle pousse des cris de douleur.
Elle a un hameçon piqué au bout du doigt.
Soeur Ernestine accourt. Grand Frère Félix la suit, et bientôt Monsieur Lépic lui-même arrive.
— « Montre voir » disent-ils.
Mais elle serre son doigt dans sa jupe, entre ses genoux, et l'hameçon s'enfonce plus profondément. Tandis que Grand Frère Félix et Sœur Ernestine la soutiennent, Monsieur Lepic lui saisit le bras, le lève en l'air et chacun peut voir. le doigt. L'hameçon l'a traversé. Monsieur Lepic tente de l'ôter.
— « Oh non ! pas comme ça ! » dit Madame Lepic d'une voix aiguë.
En effet, l'hameçon est arrêté d'un côté par son dard et de l'autre par sa boucle.
Monsieur Lepic met son lorgnon.
— « Diable, dit-il, il faut casser l'hameçon ! »
Comment le casser ! Au moindre effort de son mari, qui n'a pas de, prise, Madame Lepic bondit et hurle. On lui arrache donc, le cœur, la vie?