Page:Mercure de France tome 005 1892 page 310.jpg
J'ai vu en rêve une rougeur de soir, — rouge comme du sang ondoyant bouillonnant, - très foncée.
Vautrée, large, elle s'étalait floconneuse, fluctuante à l'horizon vide, longue traînée.
Lourdement elle pesait: bourbe lumineuse.
Était-ce le soleil qui disparaissait là-bas ?
Il me sembla, et je le crus en mon rêve, je le crus avec un rire convulsif, qu'un géant céleste, l'un des voyageurs de là-haut qui de lambeaux de nuages entourent leurs reins, précipitait dans la mer une orange sanguine pourrie qui, fétidement, éclata.
Bravo, rustaud chevelu !
Mais maintenant ?
Un remous d'or sillonne la rougeur, effiloche la masse floconneuse en clarté, en lueur phosphorescente, en scintillement nacré, en lumières fuyantes, dansantes, aiguës.
Oh! Ciel! le soleil, le soleil! Le soleil, pris de folie, crache ses entrailles d'étoiles dans la nuit...