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Un poing gigantesque menace, étend ses doigts noueux vers la boule qui trépide encore...
Soudain l'obscurité se fait et, semblables à des poissons d'argent, des millions d'astres flottent à travers la mer nocturne.
Les ailes grises du vautour de la nuit bruissent au-dessus du lac. Dans ses griffes d'airain, l'oiseau géant tient le cadavre du jour. Des traces de sang derrière lui ondoient vers l'Ouest. Les yeux noirs de la forêt lèvent leurs cils, les pins, et d'un regard fixe, muets, suivent la fuite du meurtrier accompagné d'une troupe d'ombres moroses. Du haut du ciel, un vent glacé souffle une unique pensée: sur de noires ailes toute vie s'envole silencieuse vers la vallée de la mort.
Dans la claire forêt d'automne, sur des feuilles bariolées, nous étions tels que deux enfants, et nous nous embrassions en un tiède amour.
Fille-garçon, fille-garçon ! Comme tes yeux riaient, tes yeux limpides, tes yeux bruns, combien légèrement ta chère petite tête reposait sur les feuilles, légèrement aussi mes lèvres reposaient sur les tiennes.
Mais la nuit approchait à pas de chat, la noire, l'enveloppante, la silencieuse nuit, et il faisait lourd dans la chambre. La jaune lumière de la lampe tombait d'en haut, s'appesantissant comme un brouillard lumineux, humide, et tes yeux craintifs dans la jaune pénombre questionnaient....