Page:Mercure de France tome 005 1892 page 325.jpg
C'est qu'il fut vraiment un poète qui dédaigna de
pleurer et d'apitoyer sur soi-même, et quand il crut l'heure venue de s'endormir définitivement, il accepta sans se plaindre l'inévitable loi :
- C'est fait de mes Destins; je commence à sentir
- Les incommoditez que la vieillesse apporte.
- Déjà la pâle Mort, pour me faire partir,
- D'un pied sec et tremblant vient frapper à ma porte.
- Ainsi que le soleil sur la fin de son cours
- Paroit plûtost tomber que descendre dans l'Onde;
- Lorsque l'homme a passé les plus beaux de ses jours,
- D'une course rapide il passe en l'autre Monde.
- Il faut éteindre en nous tous frivoles désirs,
- Il faut nous détacher des terrestres plaisirs
- Où sans discrétion notre appétit nous plonge.
- Sortons de ces erreurs par un sage Conseil;
- Et cessans d'embrasser les images d'un songe
- Pensons à nous coucher pour le dernier sommeil.
(Vers héroïques.)
Ce sont là de graves et fières paroles, dignes d'un sage antique. Comment ne pas s'étonner que le même poète soit aussi le plus galant et le plus précieux du monde, et qu'il l'ait été toute sa vie. Les titres seuls de certains poèmes des Amours annoncent un esprit compliqué, qui devrait beaucoup aux Italiens (encore qu'il se défende d'aimer les pointes dans la préface de Mariamne) et serait le précurseur de Marivaux ou de tel de nos contemporains: Les vaines imprécations, L'excusable erreur, La négligence avantageuse, Les secrettes consolations. Les fâcheux obstacles. Ecoutez- le dire combien il souffrit pour s'être baigné dans la même eau que Roselie:
- Je troune dans ce bain mille pointes de fer,
- Et ce qui fût naguère un ciel pour Rosélie
- Dès que j'y suis entré n'est plus rien qu'un enfer.
(Les Amours.)
Cela est à peine ridicule, tant l'imagination est jolie, et on ne saurait non plus lui tenir rigueur quand il veut écarter d'une belle personne les Médecins téméraires.
- Il vous est bien permis d'approcher de sa couche,
- Mais non pas de tenir plus d'un instant vos mains
- En des lieux où des rois voudraient mettre la bouche.
(Les Amours.)
Et ce ne sont pas seulement des élégances de