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rêve, transposé dans les êtres vivants et fraternels ? Le sentiment du pittoresque n'est plus alors le signe d'une âme vaine, mais d'une noble sympathie qui recherche éperduement travers le monde, comme une Isis en larmes, les éléments de la beauté. Il y a de la passion en lui, quand Tristan parle de La Mer; il l'a contemplée à toutes les heures du jour, il en a saisi le mystère, la force et la douceur, il l'a aimée, à marée basse :
- L'eau qui s'est durant son reflus,
- Insensiblement éuadée,
- Aux lieux qu'elle ne couure plus
- A laissé la vase ridée.
- C'est comme un grand champ labouré
- Nos soldats d'un pas assuré
- Y marchent sans courir fortune ;
- Et s'auançant bien loin du bord
- S'en vont jusqu'au lict de Neptune
- Considérer le dieu qui dort.
Il a admiré les jeux variés de la lumière et de l'ombre :
- Souuent de la pointe où ie suis,
- Lorsque la lumière décline,
- I'aperçois des iours et des nuits
- En même endroit de la marine.
- C'est lorsqu'enfermé de broüillard
- Cet astre lance des regards
- Dans un nuage épais et sombre
- Qui réfléchissans à costé
- Nous font voir des montagnes d'ombre
- Avec des sources de clarté.
Il a entendu aussi hurler les tempêtes nocturnes et imaginé l'effroi du pilote entraîné vers la mort par les chevaux farouches du vent :
- Il se perd dans l'obscurité
- Et si quelque foible clarté
- Lui paroist parmy les ténèbres,
- Dans le ciel tout tendu de deuil
- Il croit voir des flambeaux funèbres
- Allumés dessus son cercueil.
(Vers héroïques.)
L'image de la mort ne lui est point étrangère: il se la représente parfois avec l'horreur chrétienne du Moyen Age, et cette Méditation sur le Memento homo rappelle, au milieu du dix-septième siècle, la grimaçante et terrible peinture de François Villon: